Après avoir raconté ce que j'ai appris à Potosí, je vais vous parler de ce que j'y ai vécu !
Reprenons les choses au début, pour aller à Potosí il faut prendre un bus de nuit, qui part vers 19h et arrive à 6h du matin. M'armant de courage, je le prends et j'ai pu apprécier les jointures des fenêtres mal faites qui laissent entrer l'air de l'altitude entre -5 et -15 la nuit ! Heureusement, j'ai pu apprécier la générosité d'une mère bolivienne avec qui j'ai partagé la couverture. C'est ainsi que luttant pour trouver le sommeil dans ce car gelé que j'ai fait route vers Potosí ! Quand soudain au moment où tu penses avoir trouvé le sommeil que le car s'arrête, les lumières s'allument, tout le monde descend. Sommes-nous arrivés ? Je jette un oeil sur ma montre : 2h30 du matin, puis les voyageurs remontent dans le bus avec un petit paquet plastique avec du fromage ! Mais bien sûr, c'était la pause fromton entre 2h30 et 3h du matin !!!
Finalement, on arrive à Potosí à 6 heures du matin, il fait tellement froid que je ne sens plus mes pieds, la suite part dans l'absurde le plus complet... Je rejoins l'agence qui permet de faire la plus longue visite des mines : Koala Tours. Pendant que j'achète mon billet, le réceptionniste me propose de partager son eau, de peur que ce soit de l'eau du robinet je refuse dans un premier temps mais face à son insistance je finis par accepter ! Arf, ce n'était pas de l'eau mais du rhum pur... Me voilà donc à picoler du rhum à 7 heures du matin le ventre vide ! Puis c'est parti pour les mines !!! Tout d'abord, il faut mettre l'uniforme veste, pantalon de protection, casque, lampe frontale accompagné de sa batterie (dans les 3 kg) et des bottes (si jamais Raphaël passe par là, il y a du 52). Pendant ce temps-là, notre guide enfile des palmes et se promène cul-nu parmis nous (non non, ce n'est pas l'effet de l'alcool) ! On passe au marché des mineurs pour leur acheter quelques dynamites et boissons gazeuses. Nous sommes maintenant prêt à entrer dans les mines du Cerro Rico qui sont à 4500 mètres d'altitude. Bien entendu, on nous donne le dernier ingrédient du mineur : l'indispensable feuille de coca que nous machons allègrement ! Si la tenue de mineur m'avait semblé d'abord comme un déguisement pour amuser les touristes, en realité ce n'était pas du tout le cas, après s'être assomé contre les parois rocheuses une demi-douzaine de fois on s'en rend bien compte !
C'est une mine bien vivante que nous visitons où des mineurs continuent à s'épuiser pour extraire de l'argent. Si au vu de l'histoire de Potosí la misère des mineurs vous semble bien éloignée, sachez qu'en 1932, lors de mouvements sociaux chez les mineurs, l'Etat a envoyé l'armée, ce qui entraina la mort d'un millier de mineurs, et rebelote en 1949 (200 morts) et en 1963 (nombre indéterminés de victimes) !
Comme si cela ne suffisait pas, les mineurs forment des groupes et si 2 groupes tombent sur le même filon, les mineurs se battent, pas à coup de poings mais à coup de dynamites !
Continuons la visite des mines : le sol est percé de trou et les parois de la grotte rarement en dessous de 1m50, il faut être vigilant en permanence. C'est alors que le guide nous propose d'aller dans le niveau en dessous, ici l'air commence à devenir irrespirable (poussière, amiante, salpètres...) à tel point que les femmes du groupe ne pouvant plus suivre restent au 1er étage. Pourquoi avons-nous continué ? sûrement à cause d'une stupide fierté masculine ! On se rend compte que les conditions de travail n'ont pas énormement changé...
C'est en marchant à quatres pattes dans la boue, que nous rejoignons un groupe de mineurs, ici l'air y est toujours irrespirable. Notre guide nous propose alors d'aider les mineurs à remplir les Botta de pierre. Pelle en main, je m'acharne alors à remplir ces foutus sacs de pierre au bout de 2 je suis épuisé, je transpire à grosses gouttes, d'autant qu'il est très difficile de reprendre son souffle ! Quand on pense que les mineurs en remplisse autour de 200 dans la journée, l'équivalent d'à peu près une tonne de rocaille. De toute façon, l'argent est beaucoup plus rare dans les mines, il représente à peu près 7 % des roches intéressantes contre 70 % à l'époque coloniale, le Cerro Rico étant alors une montagne d'argent pure !
Aujourdhui, les mineurs bossent 10 à 12 heures par jour, beaucoup plus quand ils ont trouvé un bon filon et 6 jours sur 7, le dimanche étant consacré au foot auquel ils vouent un véritable culte et à la boisson (pour oublier) ! Il n'est jamais arrivé qu'un mineur survive plus de 40 ans dans la mine, leurs poumons étant trop abimés.
A votre avis ou part la production d'argent, reste-t-elle en Bolivie ? Que nenni, elle part en Europe, au Japon ou au Etats-Unis pour fabriquer des PC, des mobiles ou des frigos ; ce genre de choses que les Boliviens n'ont pas chez eux. L'exploitation continue...
Vivre dans les mines reste une expérience qui repousse les limites du corps et à l'heure ou je vous parle, j'ai encore des crampes un peu partout !
Je vais vous laisser sur une petite énigme : à votre avis, comment les mineurs font-ils pour savoir l'heure qu'il est et depuis combien de temps ils travaillent ?
Je suis mort après cette journée, pas la force de trouver un resto ; tant pis je ne mangerais pas aujourd'hui. C'est donc juste avec du rhum dans l'estomac que je vais me coucher !